La Résistance belge a accompli le coup le plus audacieux de la presse clandestine ?

21/12/2021
Avec la sortie de l’album de BD « Le faux Soir », nous revivons l’histoire de la réalisation et de la diffusion par la Résistance d’un pastiche du grand quotidien belge : Le Soir, confisqué par la Propaganda Abteilung et à la botte des Allemands sous l’Occupation. Une opération unique sans effusion de sang, avec tout le surréalisme belge, qui élève l’humour au rang d’une arme de résistance. Les narrateurs de la BD sont ces héros de l’ombre qui relatent leurs parcours pendant les trois semaines de préparation de ce dangereux canular, que l’on appelle zwanze à Bruxelles. Par leur intermédiaire on plonge dans l’intimité de ces hommes et femmes, qui mettaient leur vie en danger. 
 
Documenté par Daniel Couvreur, scénarisé par Denis Lapière (Michel Vaillant, Tif et Tondu, Ludo…) et dessiné par Christian Durieux (Avel, Oscar, Les rêveurs du Louvre, Les Gens honnêtes…), ce roman graphique revient sur l’exploit du « Faux Soir », deux pages recto-verso, diffusées à 50.000 exemplaires, le 9 novembre 1943, à l’occasion du 25e anniversaire de l’armistice de 14-18. C’est une sublime manifestation d’un instinct de résistance face à l’Occupant dont les positions se dégradaient inexorablement. 
Un article : « Du décrochage à la victoire défensive » évoque les malheurs des Allemands en URSS et aussi, de façon prémonitoire que « l’objectif des armées allemandes a été, de tous temps, de rétrécir son front à un point tel que finalement, la Wehrmacht se concentrerait toute entière dans les faubourgs de Berlin ».* Ailleurs, on trouve un article qui décrit une conférence imaginaire à Berlin des dirigeants de l’Axe, qui n’est pas sans rappeler certaines scènes du « Dictateur » de Chaplin. C’est également l’occasion de brocarder des rexistes (du parti d’extrême droite Rex, allié à l’Occupant) et autres collaborateurs de haut vol. L’album retrace en détail, avec rigueur et précision, toutes les difficultés à surmonter pour qu’aboutisse cette gageure. Rédiger des articles et dessins, trouver une imprimerie, se procurer de l’encre et du papier en cette époque où l’on manque de tout, financer l’opération, assurer le stockage et la diffusion des exemplaires, prendre de vitesse les livreurs habituels. Le « faux Soir », qui a ridiculisé nazis et rexistes, il y a 75 ans, c’est aussi l’histoire du grand éclat de rire qui parcourt la Belgique occupée et qui sera entendu jusque dans les capitales alliées, Londres et Washington. Il sera considéré plus tard comme « le summum de l’humour journalistique de guerre ». Un film du réalisateur belge Gaston Schoukens, sorti en 1955, la comédie dramatique : « Un soir de joie », s’inspire de cet événement. 
*Extrait du “ Faux Soir “  du 9 novembre 1943