Une bière au bar en Belgique, passage aux toilettes aux Pays-Bas

11/06/2020

Confortablement niché entre le deuxième et le troisième renflement, dans la partie la plus septentrionale de la province d’Anvers, à cinq kilomètres de la frontière, se situe le village de Baerle-Hertog-Nassau. Une mosaïque d’une vingtaine d’enclaves belges officiellement reconnues, encerclées de toutes parts par les Pays-Bas, et une dizaine d’enclaves hollandaises, éparpillées au hasard entre des  morceaux de Belgique.

 

Quelque 2 500 Belges habitent à Hertog et 6 000 Hollandais vivent à Nassau, dans un village jumeau à la double appellation. On y trouve deux communes avec leur propre maison communale, deux provinces, deux nationalités, deux familles royales, deux régimes fiscaux, deux évêques, deux églises l’une à côté de l’autre, un poste de police hollandais et un autre belge, deux corps de sapeurs-pompiers, deux bureaux de poste, deux écoles, deux centrales électriques, deux… Presque tout en double, pour ainsi dire. Avant l’introduction de l’euro en 2002, les magasins acceptaient les paiements en espèces aussi bien en francs belges qu’en florins hollandais, de sorte que les deux devises garnissaient tous les portemonnaies.

 

Vous suivez toujours ? Tant mieux, car le puzzle contient plus de pièces encore. Les frontières des enclaves sont clairement visibles dans le plan des rues. Les promeneurs comprennent qu’ils ont passé la frontière lorsque, par exemple, ils traversent ou tournent le coin de la rue. La position de la porte d’entrée détermine la nationalité de la maison. Les maisons belges arborent un chiffre noir sur fond blanc et le drapeau tricolore national dans le coin supérieur gauche. Les maisons hollandaises portent un chiffre bleu sur fond blanc, avec à gauche une ligne verticale et à droite une ligne bleue. Mais cela ne s’arrête pas là ! Certaines maisons se situent à la fois sur le sol belge et sur le sol hollandais car la frontière se trouve juste au milieu de leur porte d’entrée. Ces maisons portent un numéro belge et un numéro hollandais. En outre, chaque pays a son propre système de numérotation. Par exemple, la frontière traversait l’ancien café ’t Hoekske, au coin de la Nieuwstraat et de la Stationsstraat. Sans conteste, d’une certaine utilité pratique. L’achat de parcelles de terre en partie belges et en partie hollandaises nécessitait en effet l’intervention de deux notaires, dont la capacité juridique s’arrêtait à leurs propres frontières. Le café semblait tout à fait désigné. Des sources non confirmées font même passer la frontière par les toilettes d’une maison. Sur le trône, vous auriez une fesse en Belgique et l’autre chez nos voisins du Nord. Quoi qu’il en soit, vous finissez par traverser des dizaines de fois la frontière belgo-hollandaise en un temps record.

 

Il reste une question essentielle à se poser : quelles sont les causes de cet imbroglio international ? En 1198, le duc Henri Ier de Brabant a donné une partie de Baerle en prêt au baron de Bréda et au comte de Nassau. Les produits soumis aux accises que ses sujets avaient déjà en prêt n’entrèrent pas en compte dans la scission. Cette situation fut par la suite confirmée à moult reprises dans des documents officiels, malgré de nombreuses tentatives d’échange de portions de territoire