En 1965, Philippe Lanners naît à Moresnet-Chapelle (Belgique), non loin du tripoint formé par la frontière avec les Pays-Bas et l'Allemagne. 57 ans plus tard, le Bouli « rondouillard » de l'époque est devenu un acteur et réalisateur wallon renommé et acclamé, et un fan inconditionnel de l'Écosse.
Lorsqu'à sept ans à peine, vous vous passionnez pour la cornemuse, il y a fort à parier que votre vie vous mènera un jour au pays de la bourbe et du tartan. Connu entre autres pour les deux longs-métrages Eldorado (2008) et Les Premiers, les Derniers (2016), Bouli Lanners tient le rôle principal du film L'Ombre d'un mensonge (2021), dans lequel il incarne un homme robuste d'âge mûr victime d'un accident vasculaire cérébral qui lui fait perdre la mémoire. L'acteur porte également la casquette de réalisateur de cette histoire d'amour merveilleuse et touchante ponctuée de quelques rebondissements dignes d'un thriller. Naturellement, le film a été tourné sur place, sur l'île de Lewis, à l'extrême nord des Hébrides extérieures. « Ça évite d’ouvrir la carte Michelin dans la bagnole pour expliquer où on est », glisse-t-il, pince-sans-rire, en montrant une carte de l'Écosse au milieu des tatouages qui tapissent son avant-bras.
Pas une once de confiance en soi
À l'instar de son personnage dans le film, Bouli est d’une pudeur attachante dans la vraie vie. Pour le dire simplement : il ne respire pas vraiment la confiance en lui et l'audace, et pas seulement sur le plan amoureux. Derrière ses larges épaules et sa barbe broussailleuse, l’acteur a toujours eu l’impression – totalement erronée d'ailleurs – de ne pas être à la hauteur, que ce soit en tant que père, guitariste ou même nageur. Toutefois, depuis 2015, année au cours de laquelle il a dû subir une intervention pour son arythmie cardiaque, la peur paralysante qu'il ressentait auparavant s'est transformée en une sorte de joie de vivre.
Des hauts et des bas
De son père, il a hérité le côté trublion. De sa mère, il porte la mélancolie. Sa très chère grand-mère maternelle lui a, quant à elle, inspiré le nom de sa péniche-maison-atelier, Rosa d’Artois, dans laquelle il s'est installé lorsqu'il a commencé ses études à l'Académie royale des Beaux-Arts de Liège. En effet, le cinéma ne fut pas son premier amour. À l’âge de onze ans, il a développé une fascination pour les impressionnistes. Ensuite, il est passé par toutes sortes de périodes dans sa vie : la bière, un ras-le-bol général, les paradis artificiels, Charles Bukowski… Il a connu des hauts (notamment avec une émission humoristique à la télévision) et des bas (enchaînant divers petits boulots), jusqu'à ce qu'il finisse par atterrir dans son refuge, l'Écosse. La boucle est bouclée !
Sa quête de spiritualité se poursuit, mais il a désormais trouvé un équilibre. Il bascule en permanence de la légèreté à la gravité, du bistrot à l’église, du père à la mère, de l’acteur en fugue au réalisateur mélancolique, de la pluie au soleil ou encore des problèmes à l'humour, à l’image de sa chère ville de Liège où il réside.
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