Pierre Mertens naît à Boitsfort, le 9 octobre 1939, date, se plaît-il à rappeler, qui est aussi celle de la décision prise par Hitler d'envahir la Belgique… Il est le fils d'un père journaliste - et résistant - et d'une mère biologiste juive. Ses parents se séparent pendant l'enfance du petit Pierre qui prétendra avoir eu l'avantage de pouvoir, dès lors, puiser à deux bibliothèques: celle plus spiritualiste et catholique de son père, celle plutôt laïque et de gauche, de sa mère.
Entre autres Prix Médicis 1987 pour «Les Éblouissements», c’est un écrivain francophone majeur, tant par l’ampleur et la variété de son œuvre que par sa place d’intellectuel en Belgique et son rapport à l’histoire mondiale du XXe siècle. Mais il est avant tout un témoin de son temps. Comme observateur judiciaire international et défenseur des droits de l’Homme, il a été sur la plupart des fronts de la deuxième moitié du XXe siècle et du début du XXIe siècle : Europe de l’Est, Amérique latine, Moyen-Orient.
Haute figure de l'intellectuel engagé en Belgique, formé à l'école du droit international (ULB) et de la critique littéraire (Le Soir). Pierre est un franc- tireur. Réfractaire aux réseaux, lui qui nie appartenir à la maçonnerie et se dit "quelque part" agnostique, se flatte de n'être "ni un homme de club, ni un homme de clan", et proclame fièrement: "Je suis un loup solitaire."
Observateur judiciaire mandaté sur des fronts internationaux les plus divers, la guerre du Biafra, la torture en Irlande du Nord ou les infâmes prisons du général Pinochet au Chili, mais aussi en Arménie, en Iran ou en Tchécoslovaquie à l'accouchement de la Charte 77 (en décembre 1976, une pétition intitulée « Charte 77 », commence à circuler et à être signée par des personnalités du monde des arts, des citoyens lambda, des professeurs d'université…, qui exige du gouvernement de respecter ses engagements en matière du respect des droits de l’homme). C'est la plume au poing qu'il se résolut de combattre, enragé littéraire qu'il a toujours été intrinsèquement, dans la vénération de Kafka et de Proust.
Toujours soucieuse de gratifier les œuvres d'un projet cohérent, la critique a souvent choisi celle de Mertens comme celle d'un observateur impitoyable de notre temps. Comme l'écrivait Paul Émond (romancier, auteur dramatique et essayiste belge, membre de l’Académie royale de langue et de littérature française de Belgique, Arllfb en abrégé), «il constitue un point de repère symbolique pour toute une génération». Avec Mertens, c'est, en effet, différentes régions de l'esprit qui sont traversées : littérature et philosophie, critique littéraire et politique, droit international, cinéma, musique, opéra, théâtre.
Européen nomade ayant sur beaucoup de problèmes une vision planétaire, cet auteur belge, édité et primé à Paris comme à Bruxelles, n’a pas cependant l’envie de déserter. L’écrivain, à qui on doit «Terre d’asile» comme «Les phoques de San Francisco», n’a jamais trouvé, dit-il, de terre plus exotique que la sienne. Inventeur avec d’autres du concept de belgitude, ce membre de l’Arllfb (depuis février 1989) est sans doute, à l’heure actuelle, notre meilleur ambassadeur en littérature.