Saviez-vous que les migrants belges d’Angleterre ont inspiré Agatha Christie

12/09/2018

Entre août et octobre 1914, poussés par la peur des atrocités allemandes et la violence des combats, plus d’un million et demi de Belges franchirent les frontières du pays. Que ce soit en France, en Angleterre ou aux Pays-Bas, ces réfugiés bénéficièrent lors de leur arrivée d’un formidable élan de générosité. Mais si, au début de la guerre, les opinions des populations locales des pays d'accueil sont plutôt favorables aux réfugiés de la "Poor little Belgium", cette tendance se transforme en méfiance et en éloignement. Au début des hostilités les Belges immigrés apparaissaient comme des rescapés de la barbarie et comme les représentants d’un petit pays martyrisé qui a vaillamment et en dépit de toute attente résisté à un envahisseur largement supérieur, si bien en hommes qu’en matériel. Certains journaux de l’époque n’ont pas hésité à comparer le roi Albert 1er et ses troupes au roi Léonidas qui a tenu tête avec ses 300 Spartiates à l’immense armée perse, à la Bataille des Thermopyles, en 480 avant notre ère.

Mais cette empathie s’érode avec le temps. On peut même dire qu’avec la durée d’une guerre qui s’enlise, les citoyens belges ont perdu la bienveillance des locaux, ils sont désormais perçus comme des «planqués» confortablement éloignés des champs de bataille alors que leurs propres fils et pères se battent sur le front ! En Grande-Bretagne, des émeutes éclatent en 1916, la population locale voyant dans l'intégration de travailleurs belges sur le marché britannique une menace pour leurs propres emplois. Ce reproche est fondé sur le fait que les travailleurs belges acceptent des salaires plus bas que les autochtones, de faire des journées plus longues et de travailler même le dimanche et les jours fériés. Il faut se souvenir aussi que le 24 janvier 1916 le gouvernement se résout à instaurer le service militaire obligatoire (auquel les Belges échappent), cette loi prend effet le 4 mai suivant et cette même année se déroule la bataille de la Somme, la première opération d’envergure pour l’armée britannique et du Commonwealth. Or la première journée de cette bataille, le 1er juillet 1916, fut, pour l'armée de sa majesté, une véritable catastrophe, avec 58.000 soldats mis hors de combat dont 19.240 morts, c’est le jour le plus sanglant de l’histoire de l’armée britannique et lorsque la bataille prend fin, au mois de novembre, les pertes globales sont immenses : 500.000 Britanniques ou citoyens du Commonwealth sont morts, disparus ou blessés.

Agatha Christie est née et a grandi à Torquay dans le Devon, station balnéaire où viennent se réfugier de nombreux Belges pendant la Première Guerre mondiale. Elle reconnaît d'ailleurs s'être inspirée plus particulièrement de réfugiés belges vivant dans une paroisse voisine après la Grande Guerre pour créer Hercule Poirot, un détective belge de fiction. Homme mûr de petite stature, avec une tête en forme d'œuf, une apparence de dandy, des cheveux teints, des yeux verts de chat, des moustaches en croc soigneusement cirées, il est toujours tiré à quatre épingles et impeccablement vêtu. Dans les adaptations cinématographiques et télévisuelles des romans où il apparaît de nombreux acteurs ont incarné le détective (Albert Finney, Peter Ustinov, Kenneth Branagh,…) mais c’est sans doute David Suchet qui est le plus proche du personnage romanesque.

Un article est consacré à Hercule Poirot dans «Connaissez-vous ces Belges ?» sur ce même site.