Saviez-vous que le Belge Victor Martin a rapporté les premières informations sur le sort des Juifs déportés ?

27/01/2022

C’est à l’issue d’un extraordinaire périple que Victor Martin, rapporte, dès 1942, les premières informations fiables concernant le sort des Juifs déportés en Allemagne et en Pologne.

Né le 19 janvier 1912 à Blaton, proche de la frontière française, Victor Martin, bien qu’issu d’un milieu bourgeois se sent de l’empathie pour la condition misérable de la classe ouvrière.  En cette fin des années ’30, il s’inquiète aussi de la montée de régimes totalitaires en Europe, particulièrement de la montée d’un phénomène d'une violence extrême à la frontière orientale de son pays. Ses études en sociologie lui ont permis de voyager et ont été l’occasion d’établir non seulement un réseau académique notamment en Allemagne, mais aussi d’acquérir une parfaite connaissance de la langue de Brecht. Devenu Docteur en sociologie de l’Université de Louvain, il est également membre de la Résistance et s’est proposé pour une mission de renseignement en territoire ennemi. À la fin 42, il est contacté par Hertz Jospa, le fondateur du Comité de Défense des juifs (CDJ), une organisation de la Résistance belge affiliée au Front de l'Indépendance. Comme le CDJ est très troublé par l’enregistrement des Juifs, obligatoire depuis le 1er juin, et les mystérieuses déportations qui avaient commencé en octobre depuis la caserne Dossin, Jospa demande à Victor Martin de mener une enquête en Allemagne. Ainsi débute une mission folle, digne des meilleurs scenarios de films à suspens. Un projet d'étude fallacieux sur la psychologie différentielle des classes sociales, lui sert de prétexte pour obtenir des rendez-vous avec des sociologues à Cologne et à Breslau (Pologne). Début 1943, il réussit à se faire engager comme ouvrier à Katowice, près d’Auschwitz. Il y côtoie des travailleurs juifs et allemands et constate qu’ici «tout le monde sait et tout le monde se tait». Victor découvre qu’«on tue dès l’arrivée tous ceux qui ne peuvent travailler». Il écrit dans un bref message «Femmes et enfants exterminés, hommes travaillant comme esclaves jusqu’à l’épuisement total, ensuite supprimés». Victor Martin réussit à approcher suffisamment près de Birkenau pour voir que d’énormes cheminées fonctionnent jour et nuit en répandant une odeur nauséabonde. Dénoncé (parce qu’il posait trop de questions), le 10 février 1943, il est arrêté par la Gestapo et brutalement interrogé, il résiste néanmoins à la torture. Persuadé qu’il s’agit d’un espion industriel, il est transféré à l’Abwehr (le service du renseignement militaire) et condamné à travailler comme interprète dans un camp dont il réussit à s’évader, en mai. Dès son retour en Belgique, il rédige un rapport d’une centaine de pages pour la Résistance belge, un document qui sera également transmis à Londres. Désormais, les Alliés ne pouvaient plus ignorer.

Comme plus de 1.700 compatriotes, Victor Martin a été reconnu « Justes parmi les Nations », la plus haute distinction décernée par Israël à ceux qui ont sauvé au péril de leur vie des Juifs pendant la Shoah.