Que représentent ces taupinières géantes dans le paysage hesbignon ?

04/08/2020

Magnifiques champs fertiles, panoramas circulaires, chemins creux, quiétude, vergers entourant les noyaux villageois, fermes en carré, châteaux, carrières de marne et … sépultures gallo-romaines en Hesbaye.

Au 1er siècle avant Jésus-Christ, le général romain Jules César se met en marche vers le nord à la tête de son armée dans le but d’envahir toute la Gaule. Au début de sa conquête, il subit près de Tongres une défaite cuisante dans la bataille contre les Éburons, une tribu celte dirigée par Ambiorix. Mais la fortune des armes devait bientôt tourner. Les Éburons sont finalement vaincus et doivent céder la place à leurs adversaires, les Tongres, une autre tribu celte qui, semble-t-il, était parvenue à conclure un accord avec l’occupant.

La Hesbaye se situe au cœur de la province romaine Civitas Tungrorum. Les Romains considéraient les villes comme les centres névralgiques de leur civilisation. En l’an 10 avant Jésus-Christ, l’empereur Auguste fonde la ville de Tongres, à l’endroit où la rivière Geer croise la chaussée romaine reliant Cologne à Bavay. Tongres se développe et devient un centre important à de nombreux égards : pouvoir, administration, commerce et culture. De splendides résidences avoisinent théâtres, bains publics et temples, et au-delà du mur d’enceinte de 5 km de long, d’imposantes sépultures ou tumuli sont érigées à proximité des villae, les propriétés terriennes, et non loin des chaussées romaines ou de leurs chemins de traverse.

Au total, une centaine de familles nanties, l’élite locale, possèdent alors en Hesbaye une ou plusieurs villae. Elles adoptent le style de vie romain pour se distinguer des familles de notables d’autres provinces et de la population ordinaire. Elles se parent des vêtements raffinés et bijoux exotiques des Romains pour prouver que la culture romaine leur est familière. Dans le même temps, elles veulent conserver certains éléments de leur propre culture : de là est née l’appellation « gallo-romain ». Elles troquent leurs maisons faites de bois et d’argile contre des résidences romaines en pierre, ornées de sols en mosaïque, de peintures murales, pourvues de caves… Ces résidences étaient construites sur de vastes domaines de 200 m sur 125, et flanquées d’étables, de granges, d’ateliers et des logis du personnel. Sur des parcelles de taille moindre qu’aujourd’hui, entourées de hautes et larges haies, les villae cultivaient du froment et de l’épeautre, exportés sur les chaussées romaines vers la Rhénanie, à la frontière orientale de l’empire, pour y nourrir les soldats.

Après sa mort, le propriétaire d’une villa, aux ambitions de parvenu, en particulier en Hesbaye, voulait continuer à briller aux yeux de la communauté. Il tenait à ce que sa dépouille ou celle de son épouse ou d’un autre membre important de sa famille, comme c’était le cas pour tout Romain éminent, soit incinérée et que ses restes soient enterrés dans une chambre funéraire de bois ou de pierre recouverte d’un tumulus, un tertre  pouvant avoisiner les 50 mètres de diamètre et les 15 mètres de hauteur. En outre, la sépulture était garnie de dons funéraires précieux comme des poteries, des coupes et plats en bronze, des flacons en verre… mis à la disposition du défunt pour son voyage vers le royaume des morts. Autant de symboles très convoités témoignant du statut du défunt.

Des centaines de tumuli hesbignons érigés entre 70 et 250 après Jésus-Christ, il en subsiste une quinzaine dans le Limbourg. Ces étranges monticules qui ponctuent le paysage valent certainement le détour.