La Muette de Portici a-t-elle vraiment déclenché la révolution belge de 1830 ?

08/10/2018

Nous l’avons tous appris à l’école : suite à la représentation de l’opéra La Muette de Portici, le mercredi 25 août 1830, au Théâtre royal de la Monnaie, des émeutes contre le pouvoir hollandais ont éclaté, prélude à l’indépendance de la Belgique. En réalité l’opéra n’a été qu’un déclencheur qui a mis le feu aux poudres.

Les raisons de la révolution étaient plus profondes. Suite à la chute de Napoléon, le Congrès de Vienne de 1815 a intégré les anciens Pays-Bas méridionaux, l’ancienne Principauté de Liège et le Grand-Duché du Luxembourg aux provinces de la République du Royaume uni des Pays-Bas. Ce nouveau royaume ainsi formé devait être l’État tampon idéal pour refréner les aspirations hégémoniques françaises. À l’origine, son économie était florissante grâce à la politique stimulante de Guillaume 1er d’Orange, mais à la fin des années 1820 elle connut une récession. L’insatisfaction enflait au sein du prolétariat à causes des accises élevées qui frappaient les produits de base. Le pouvoir autoritaire et autocratique du souverain accroissait également le mécontentement ainsi que le fait que Guillaume 1er était protestant alors le sud de l’État était majoritairement catholique enfin l’élite francophone était offusquée d’être gouvernée en néerlandais. S’ajoute à cela l’impact de la révolution de juillet 1830 en France et les nombreux exilés politiques, qui dans les années précédentes avaient trouvé un refuge agréable à Bruxelles et qui attisaient un peu plus le feu. Jusqu’à ce que ce mélange infernal éclata !

Malgré les tensions croissantes des semaines précédentes, les autorités ont décidé de maintenir l’opéra au programme à l’occasion de l’anniversaire de Guillaume 1er. L’on craignait quelques «explosions très enthousiastes» et «quelques exubérances» pendant la représentation. En revanche on ne prêta pas d’attention aux affiches de la ville qui annonçaient le «programme des festivités» : lundi feu d’artifice, mardi éclairage de fête, mercredi RÉVOLUTION ! Les événement de cette soirée avaient vraisemblablement été bien préparés. Quelques dizaines de jeunes, majoritairement issus de la haute bourgeoisie, attendaient le moment de l’aria «Amour sacré de la Patrie» pour passer à l’action contre l’autorité du roi. Après des applaudissements soutenus et aux cris de Vive la liberté! et Vive la France, les spectateurs sont descendus dans la rue. Après bien des destructions, incendies, négociations avortées et actes de violence, l’indépendance fut proclamée le 4 octobre.

Mais qui diable était donc cette «Muette de Portici»? Elle s’appelait Fenella, une pauvre muette, fille d’un pêcheur du petit village de Portici, près de Naples. Elle s’était fait larguer par son amant fortuné, qui convola avec une riche princesse espagnole. Son frère, également pêcheur, menait la révolte contre l’emprise de Madrid, en 1647. L’opéra avait été composé par un Français, entre-temps tombé dans l’oubli, Daniel François Esprit Auber (1782-1871). À l’époque, il remplissait les salles notamment à Paris et à Bruxelles.