La claironnade à vélo

Qui dit fanfare dit généralement des musiciens qui défilaient jadis à travers la ville ou le village pour annoncer la venue d'un haut dignitaire et, aujourd'hui, pour commémorer un événement important. Mais certaines fanfares sont nées sur un vélo.
À la fin du XIXe siècle, un nouveau moyen de transport fit son apparition : la bicyclette, communément appelée vélo dans le langage courant. Seules les personnes fortunées pouvaient en acheter un pour parcourir une plus grande distance plus rapidement qu'à pied. De plus, cette nouvelle bicyclette était un symbole de statut social. Ceux qui voulaient avoir un bon statut social se devaient d'en posséder une. Les amateurs se réunissaient dans des clubs cyclistes, en fonction de leurs affinités politiques ou commerciales. Il y avait des clubs catholiques, libéraux... ou des clubs associés à une brasserie parce qu'un de leurs membres fournissait la bière à l'auberge où ils se réunissaient. C'est bien beau tout ça, mais entre vouloir rouler à vélo et en être capable, il y a souvent un grand écart. À l'époque, les gens roulaient maladroitement. L'ignorance, l'inexpérience, l'insouciance et l'excès de confiance faisaient rage et entraînaient leur lot de bosses, d'égratignures et bien pire.
De nouvelles règles de circulation furent donc adoptées. Les clubs cyclistes devaient annoncer clairement leur arrivée de manière audible à chaque coin de rue. Avec un simple klaxon ? Non, il fallait rendre cela plus festif. Pourquoi ne pas faire rouler fièrement à l'avant un joueur de clairon ? Il y en a d'abord eu un, puis deux et puis plus, et avant même que l'on s'en rende compte, les nombreux clubs cyclistes d'ici et d'ailleurs se transformèrent en de joyeuses et magnifiques fanfares cyclistes qui attiraient les foules. Ou du moins, la plupart d'entre eux avaient leur propre corps de trompettes dans leurs rangs.
Peu à peu, ils commencèrent à participer à des courses, à des expositions mondiales et à toutes sortes d'événements. La classique cycliste flamande Kuurne-Bruxelles-Kuurne n'aurait pas vu le jour sans la fanfare cycliste Zonder Kommer et le Royal Agrément de la Pédale Fanfare Cycliste de Waremme fut engagé pour ajouter une touche musicale à l'arrivée du Tour de France en 1926. Ces clubs répondirent également à des besoins sociaux remarquablement modernes et réussirent à mobiliser des milliers de partisans autour d'eux pour revendiquer la construction de meilleures routes, des pistes cyclables sécurisées et la réduction, puis l'abolition, de la taxe sur les bicyclettes.
La Première Guerre mondiale marqua le déclin de cet élément unique du patrimoine culturel belge, car les occupants allemands réquisitionnèrent toutes les bicyclettes. Sur la soixantaine de fanfares cyclistes, la plupart durent jeter l'éponge, tandis que d'autres poursuivirent leur activité sous forme de fanfares ou d'orchestres assis. De nos jours, il devient de plus en plus difficile d'en trouver. Si vous souhaitez être époustouflé par la trompette d'une telle fanfare, demandez par exemple à Eernegem, en Flandre occidentale, quand le Koninklijke Veloclub De Zwaluw (Club cycliste Royal L'Hirondelle) de 1891 prend son envol... euh, son départ.