Stephan Vanfleteren, trente ans de succès à travers l’objectif
A l’angoissante hésitation des débuts a succédé la sereine certitude de pouvoir fixer les gens dans leur sensibilité. Le résultat demeure inaltéré : des portraits photographiques originaux, puissants et parlants. C’est sans doute là l’image de marque de Stephan Vanfleteren.
La dualité constitue le fil rouge de son œuvre : le mouvement s’y oppose au repos, le noir et blanc à la couleur, les rencontres excitantes sur le terrain à la solitude sereine du studio, la réalité à la mise en scène, la vie à la mort…
Stephan Vanfleteren fait ses tout premiers pas de journaliste-photographe au quotidien De Morgen. Il réalise des prises de vue, majoritairement en noir et blanc, des événements tragiques des années nonante. Rappelez-vous le décès du roi Baudouin, les troubles sociaux aux Forges de Clabecq, les manifestations, la guerre du Kosovo, le génocide rwandais ou encore l’affaire Marc Dutroux. Parlant de sa série sur la guerre dévastatrice du Kosovo, il évoque l’achèvement de ses possibilités. Des files sans fin de camions chargés de pauvres réfugiés fuyant la violence. Chaque image est criante de chaos et de détresse, sans la moindre lueur d’espoir, mais témoigne également du professionnalisme de leur auteur.
Au pays, ce sont les gueules caractérisées des paysans et des pêcheurs qui retiennent son attention. Tant avec passion que respect, il les soustrait à l’oubli. Ainsi Theofiel, du Pajottenland, qui gère à lui seul, depuis ses seize ans, de façon assez primitive, sa ferme; à présent tordu à force de travail et abimé par le temps, mais qui affronte les années avec une certaine beauté. Des portraits profondément humains.
Heureusement, il n’y pas que chagrin, misère et tragédie qui défilent devant l’objectif de Stephan Vanfleteren. Ainsi ses photos pénétrantes, en noir et blanc, d’icônes, belges ou non. Parmi elles on retrouve Eddy Merckx, Hugo Claus, Jan Decleir, la reine Beatrix, Joaquin Phoenix … et aussi des vedettes du grand écran, qu’il a photographiées à l’invitation du journal Le Monde, en 2016, 2017 et 2018, au Festival de Cannes.
Entre-temps, il s’est lancé dans les nus et les natures mortes, en couleur. Comme ce cygne mort. Mais Stephan Vanfleteren n’est pas et ne sera jamais un photographe de la nature. A cet effet, la vitesse et les téléobjectifs lui font défaut, selon ses propres dires. Il ne partage avec eux que la seule patience.
Ce qui ne change rien pour vous et moi, qui nous contenterons de sa collection variée de superbes œuvres journalistiques, documentaires et artistiques.
© Natacha Hofman