Eugène Simonis, l’imagier de la nation naissante
Qui, résident ou visiteur, n’a jamais vu la statue la statue équestre de Godefroid de Bouillon qui trône sur son socle à la Place royale de Bruxelles, surplombant un splendide panorama de l’îlot sacré dont émerge la tour et la flèche de l’Hôtel de Ville. Si l’œuvre consacrée au chef de la première Croisade, qui a délivré le Tombeau du Christ rendant ainsi le pèlerinage de Jérusalem (l’un des principaux du Moyen Âge avec celui de Saint Jacques de Compostelle et celui de Rome) à nouveau possible aux pèlerins chrétiens, est bien connue, son sculpteur l’est moins. Il est des œuvres qui dans la mémoire collective sont directement associées à leur créateur, tel le «Penseur de Rodin», mais nul n’évoque le «Bouillon de Simonis». C’est pourtant à ce grand artiste d’origine liégeoise que nous devons cette statue célébrissime ainsi qu’un grand nombre d’autres du début de l’indépendance belge, notamment la figure emblématique de la liberté des cultes de la Colonne du Congrès ainsi que ses lions, l'harmonie des passions humaines décorant le fronton du Théâtre de la Monnaie à Bruxelles, mais aussi la statue de André Dumont, place du Vingt-Août et les statues des apôtres de l'église Saint-Jacques à Liège, la statue de Léopold Ier sur la place Léopold Ier de Mons et la statue de Simon Stevin, à Bruges; pour ne citer que les plus célèbres où les mieux visibles. Au début de son indépendance, la Belgique naissante avait besoin de se créer une mythologie nationale et de trouver des personnages, issus du passé, et propres à exacerber le patriotisme et la fierté de ses citoyens. C’est ainsi que les villes du pays se couvrirent de statues de «Belges remarquables».
Eugène Simonis fut l’un des sculpteurs de talent conviés à cette tâche. Né à Liège le 11 juillet 1810, après avoir étudié auprès de François-Joseph Dewandre à l'École de dessin de Liège, il part à 19 ans poursuivre sa formation en Italie, à Florence puis à Rome, entre 1829 et 1836. De retour au pays, il rejette la nomination qui lui est proposée comme professeur à l’Académie de Liège pour pouvoir exécuter des travaux qui lui sont commandés, principalement à Bruxelles. Le sculpteur wallon va désormais animer l’école de sculpture bruxelloise, acceptant plus tard de devenir le directeur de l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles (1863-1877). Travaillant le plâtre, le marbre, le bronze ou la pierre de France, Simonis ne se contente pas d’exécuter des œuvres monumentales; ses bustes sont nombreux, représentant des proches ou des personnalités célèbres, voire les deux avec un buste d’Henri-Joseph Orban, son beau-père, par ailleurs père de Walthère Frère-Orban. Le sculpteur décède à Bruxelles le 11 juillet 1882.
À Koekelberg, la place où se situait son l'atelier a été renommée place Eugène Simonis en son honneur. La station de métro qui s'y trouve porte également son nom depuis 1982. Sur cette même place, en 2007, est inaugurée une composition sculpturale en forme de « S » en l'honneur du sculpteur. À cette composition signée Annie Jungers est ajouté un buste réalisé par Simonis de lui-même.